M2/ 2015 – L’irrigation par les eaux souterraines, opportunité ou source de vulnérabilités ?

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Perception des agriculteurs de la zone d’El Hajeb (Maroc)

par Imane Messaoudi

Sous la direction d’Elise Temple-Boyer

Master 2

Année 2014-2015

Mots clés : Irrigation, eaux souterraines, groundwater economy, puits, forages, opportunité, contrainte, vulnérabilité, rêve, mythe, narratives, plaine du Saïss, Maroc.

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Résumé du mémoire de recherche:

Au Maroc, l’irrigation a longtemps été considérée comme un levier puissant pour la modernisation et le développement de l’agriculture en la rendant moins vulnérable aux risques climatiques. Ceci avait donné lieu, après l’indépendance, à la mise en place de la politique des barrages privilégiant la grande hydraulique. A partir des années 1980, une nouvelle phase d’irrigation émerge : l’irrigation par les eaux souterraines. C’est le passage de « l’eau de l’Etat à l’eau individuelle »[1]. La plaine du Saïss est un exemple considérable dans le développement de cette dynamique.

Le passage à l’irrigation par les eaux souterraines sur la plaine du Saïss a permis une autonomisation des agriculteurs et leur libération de l’emprise de l’Etat. Aujourd’hui, ce développement de la groundwater economy marocaine[2] questionne la durabilité de tout le système. Les niveaux de la nappe ne cessent de baisser et les taux d’extraction sont de plus en plus importants[3]. Plusieurs chercheurs se sont penchés sur la question et ont mis en évidence les risques environnementaux de plus en plus récurrents auxquels les agriculteurs de la zone doivent faire face[4]. Cependant, très peu se sont intéressés aux contraintes économiques et sociales qui se sont créées dans ce nouveau contexte et qui font que les agriculteurs se retrouvent de plus en plus vulnérables[5]. A travers cette étude, nous nous sommes intéressés à la perception des agriculteurs de la dynamique de la groundwater economy sur la plaine du Saïss. Nous avons tenté de voir si cette dynamique a été porteuse d’opportunités ou si elle a été source de nouvelles formes de vulnérabilités, autres qu’environnementales. Il a donc été question de comprendre, à travers le regard et les témoignages des agriculteurs, comment est-ce que la dynamique de la groundwater economy est devenue un mythe.

[1] Pascon P. 1978. « De l’eau du ciel à l’eau de l’Etat : psychosociologie de l’irrigation ». Hommes, Terre et Eaux. 8(28) : 3-10.

[2] Shah T. 2007. « The Groundwater Economy of South Asia : An Assessment of Size, Significance and Socio-ecological Impacts » in The Agricultural Groundwater Revolution : Opportunities and Threats to Development (M. Giordano and K.G. Villhoth).

[3] Messaoudi I. 2015. L’irrigation par les eaux souterraines, opportunité ou source de vulnérabilités ? – Cas de la province d’El Hajeb au Maroc. Mémoire de recherche GEDELO. Université Paris Ouest Nanterre la Défense.

[4] Agence de bassin hydraulique du Sebou. 2011. Plan directeur d’aménagement intégré des ressources hydrauliques (PDAIRE).

[5] Castel A., 2013. Développement d’une méthode d’évaluation de la résilience de l’agriculture familiale. Application à une zone irriguée en piémont du Moyen-Atlas au Maroc. Mémoire de fin d’études. SupAgro Montpellier.

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Résumé détaillé du mémoire:

Au Maroc, comme dans plusieurs autres pays du monde, l’irrigation a été, depuis longtemps, considérée comme un levier puissant pour la modernisation et le développement de l’agriculture en la rendant moins vulnérable aux risques climatiques. Ceci avait donné lieu, après l’indépendance, à la mise en place de la politique des barrages, connue aussi sous le nom de la « politique du million d’hectares irrigués »[1]. La conjugaison d’une série de sécheresses associée à un relâchement sur les contrôles des forages et du programme d’ajustement structurel dans les années 1980 s’est traduite, dans plusieurs régions du Maroc, par un engouement pour l’utilisation de l’eau souterraine. Il était question, à cette époque, d’une nouvelle phase d’irrigation : celle du passage de « l’eau de l’Etat à l’eau individuelle »[2].

Cette émergence de la « groundwater economy[3] marocaine » a été rapidement renforcée suite au développement et à la diffusion rapide et « silencieuse » de nouvelles techniques de forages que Chaudhry caractérise d’innovation marquante[4]. Cet ensemble de facteurs, renforcés récemment par l’augmentation substantielle du taux de subventions pour l’irrigation localisée, dans le cadre du deuxième pilier du Plan Maroc Vert[5], ont amené à un recours massif à l’irrigation par les eaux souterraines, et donc à une recherche accélérée de « l’eau individuelle ou privée ». La plaine du Saïss est un exemple considérable dans le développement de cette « groundwater economy marocaine ».

Le passage à l’irrigation par les eaux souterraines sur la plaine du Saïss a permis une autonomisation des agriculteurs et leur libération de l’emprise de l’Etat. Ceci a amené les agriculteurs de la zone à transformer leurs systèmes de production : Initialement dépendantes des eaux pluviales, extensives et tournées vers l’élevage et la production céréalière, les exploitations ont développé le maraichage et plus récemment l’arboriculture et ont intensifié leurs systèmes de production. Aujourd’hui, cet essor rapide et phénoménal de l’irrigation par les eaux souterraines sur la plaine questionne la durabilité de tout le système, actuellement fort dépendant de ces ressources. Les niveaux de la nappe ne cessent de baisser et les taux d’extraction sont de plus en plus importants[6]. On en vient donc à nous poser des questions sur la durabilité de cette dynamique. Plusieurs chercheurs se sont penchés sur la question et ont mis en évidence les risques environnementaux de plus en plus récurrents auxquels les agriculteurs de la zone doivent faire face[7]. Cependant, très peu se sont intéressés aux contraintes économiques et sociales qui se sont créées dans ce nouveau contexte et qui font que les agriculteurs deviennent de plus en plus vulnérables[8]. En effet, l’irrigation par les eaux souterraines suppose une transformation de l’exploitation agricole : investissements lourds, changements de stratégies de production, course à l’intensification, intégration de nouvelles cultures plus exigeantes et plus consommatrices en intrants, ce qui modifie le fonctionnement de l’exploitation et comporte des risques inhérents rendant les acteurs vulnérables à des facteurs économiques comme la volatilité des prix. Quelques travaux ont tenté de mesurer ces vulnérabilités économiques et sociales, sur la base d’identification de facteurs de vulnérabilité[9], mais aucune étude ne s’est focalisée sur la perception des agriculteurs de la dynamique globale de la groundwater economy générée suite à l’accès à la nappe. Cela a fait l’objet de mes premières recherches sur la plaine du Saïss, sur deux communes rurales de la province d’El Hajeb : Iquaddar et Aït Nâamane.

Tout au long de ce mémoire de recherche, nous nous sommes intéressés à la perception des agriculteurs de la dynamique de la groundwater economy sur la plaine du Saïss. Nous avons tenté de voir jusqu’à quel point est-ce que cette dynamique a été porteuse d’opportunités et si ces opportunités ont été consolidées ou si elles ont laissé place à l’émergence de nouvelles formes de vulnérabilités, autres qu’environnementale. Il a été donc question de comprendre, à travers le regard et les témoignages des agriculteurs comment est-ce que la dynamique de la groundwater economy est devenue un mythe.

[1] Lazarev G. 2012. Les politiques agraires au Maroc 1956-2006, un témoignage engagé. Economie Critique. Rabat.

[2] Pascon P. 1978. « De l’eau du ciel à l’eau de l’Etat : psychosociologie de l’irrigation ». Hommes, Terre et Eaux. 8(28) : 3-10.

[3] Shah T. 2007. « The Groundwater Economy of South Asia : An Assessment of Size, Significance and Socio-ecological Impacts » in The Agricultural Groundwater Revolution : Opportunities and Threats to Development (M. Giordano and K.G. Villhoth).

[4] Chaudhry J. 1990. « The adoption of tubwell technology in Pakistan ». The Pakistan Developement Review, 29, pp. 291-303.

[5] Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime. 2008. Plan Maroc Vert : Stratégie de développement intégré de l’agriculture au Maroc, Rabat.

[7] Agence de bassin hydraulique du Sebou. 2011. Plan directeur d’aménagement intégré des ressources hydrauliques (PDAIRE).

[8] Castel A., 2013. Développement d’une méthode d’évaluation de la résilience de l’agriculture familiale. Application à une zone irriguée en piémont du Moyen-Atlas au Maroc. Mémoire de fin d’études. SupAgro Montpellier.

[9] Idem.

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